Romain Didier : de la variété à la chanson...

...Romain Didier aurait pu être un de ces chanteurs estampillés années 80 qui passèrent à la trappe des oubliettes : beau gosse talentueux auteur de chansons mi-variétoche mi-grand texte à l'ancienne, de musiques entêtantes et parfois répétitives quasi-commerciales, sa rencontre avec le chanteur Allain Leprest en 1985 allait donner une autre dimension, surprenante, émouvante à sa "carrière". Certaines amitiés laissent de belles traces dans le monde de la chanson : Souchon-Voulzy, Pierre Philippe-Guidoni, Pauline Julien-Anne Sylvestre, Véronique Pestel-Précastelli. L'amitié Didier-Leprest,qui dure encore, a donné naissance à de superbes chansons, de superbes albums : à A.Leprest les textes, à R.Didier les musiques...à noter que Romain Didier a également orchestré des disques de Pierre Perret, Enzo Enzo ou...Annie Cordy!

L'artiste, plein de charme et de sobriété possède un répertoire poétique, un répertoire intemporel et un jeu de piano personnel.

Ci-dessous les paroles de la chanson La Retraite (chanson bien actuelle) :

Tiens c'est le fond de la bouteille
Ça y est nous voilà vieux ma vieille
Des vrais vieux qui trient les lentilles
Des vieux de la tête aux béquilles
Tiens voilà le bout de la rue
On souffle comm' qui l'aurait cru
Du temps qu'on vivait à grand pas
Du temps qu'on leur en voulait pas
Aux étoiles de disparaître.La retraite !

T'as beau dir' qu'on nous rend le cœur
Une fois vidé du meilleur
Qu'ils ont pris le tronc et la force
Qu'ils ne rapportent que l'écorce
N'empêche c'est déjà moins con
Que soit consigné le flacon
Qu'après le festin on nous laisse
Les arrêtes de la vieillesse
Le temps d'finir la cigarette. La retraite !

Tout ici a la soixantaine
Ce café sent la verveine
Je t'aime enfile tes chaussons
L'amour jette ses paillassons
Et la tête tourne soudain
A relire le papier peint
Où mille fois les chasseurs tuent
Un grand cerf qui cherchait l'issue
Entre la porte et la fenêtre. La retraite !

Il paraît qu'à un certain âge
Plus ou moins l'esprit déménage
Et qu'on a la raison qui tangue
Et des cheveux blancs sur la langue
Nous on doit être centenaires
A rêver du bout de la terre
Avoir des envies de Pérou
Et entendre au dessus du trou
Ce bruit de pelletées qu'on jette. La retraite !

Le soir descend partons d'ici
Faudrait pas qu'ils nous trouvent assis
Si on larguait les bibelots
Tout tiendrait dans un sac-à-dos
Regarde on tend le bras et hop
Ils appellent ça l'auto-stop
Tant pis si on n'a pas de Jeans
Si cette conne s'imagine
Qu'avec elle le cœur s'arrete. La retraite !

Adieu le lit, salut Madrid
On laisse pas longtemps nos rides
Pour peu qu'on se démerde bien
On s'ra à Tolède demain
A regarder les ombres lentes
Eteindre les maisons brûlantes
Salut l'oranger sur la cour
Salut la paresse des jours
J'avais hâte de connaître. La retraite !

Tiens c'est le fond de la bouteille
Ça y est nous voilà vieux.ma vieille.

Site officiel de  Romain Didier  avec les prochaines dates de concert : www.romaindidier.com

Luc Melmont

Comments

[Jacques]

Ce commentaire de Gérard que je découvre ... trois ans après, n'a rien perdu de sa justesse. Je suis en plein accord. Mais je constate que cet éclairage sur Romain Didier n'a guère suscité de réactions des visiteurs de ce blog.Dommage!

[gerard]

Romain Didier fait partie de nos tout meilleurs auteurs compositeurs, depuis quelques ... décennies déjà. Il peut s'enorgeuillir d'une carrière honorable et d'avoir mis son talent au service des autres bien souvent, mais, malgré des débuts prometteurs en terme de médiatisation, il n'a pas vraiment décollé vers le grand public. Mystère de ces carrières qui prennent des chemins sinueux, frôlant le vedeterriat avec un ou deux titres acceptés par les tout puissants faiseurs de play list, puis retombant dans le cercle des initiés des petites salles obscures. Il avait démarré fort avec "L'aéroport de Fiumicino" et "Senor ou senorita", mais ses plus belles chansons sont demeurées médiatiquement confidentielles : "Pleure pas" , "j'en veux pas de votre guerre", "Amnésie", "Pouce", "La retraite" co écrite avec Allain Leprest, ou cette immense chanson à hisser au Panthéon du répertoire "Dans ce piano tout noir"... La grande qualité d'écriture et de mélodie est toujours au rendez-vous des enregistrements plus récents, et c'est toujours un grand moment que Romain Didier sur scène, surtout dans la simplicité de la formule piano-voix, très intense émotionnellement.

Romain Didier fait partie de cette génération d'auteurs complètement sacrifiés médiatiquement,après la génération Brassens-Brel-Barbara...et avant la vague de la "nouvelle chanson" (quelle connerie cette appellation!)Bénabar-Delerm-Cherhal ..., tout comme Réginal, Joyet, Lafaille, Haillant ou même Escudero, Tachan, Chelon, Anne Sylvestre, Anne Vanderlove, Ricet-Barrier etc... qui furent oubliés, parfois après un succès certain mais passager, à partir de la fin des années 70.
Ca fait plaisir de voir qu'ils ne sont pas oubliés de tout le monde, même si tout le monde ne sait pas que la plupart, aujourd'hui, chantent encore, puisque pour les médias, ils sont morts!