Album must : le nouveau Jean-Pierre Réginal "Fragile Accalmie"
Ce ne sont pas Trenet, Félix Leclerc ou Brassens qui ont donné, en dépit de leurs talents fous, leurs belles lettres de noblesse à la Chanson à texte d'expression francophone. Non. C'est la Dame Blanche de Saint-Germain des Prés : Cora Vaucaire. Qui a su hisser la Chanson au même niveau que le théâtre, le cinéma ou la musique classique; Hélas, Cora Vaucaire, encore de ce monde, ne chante plus et cette place de la Chanson est grignotée, contestée,piétinée. La chanson intemporelle, c'est Elle, femme passionnée, qui disait à Raoul Bellaïche, de la revue Je Chante, se métamorphoser sur scène son corps et son âme devenant chanson et que cela c'est magnifique. Incarnant le classicisme de nacre et d'or et non l'académisme pompeux et mortifère, elle ne s'est donc pas trompée en invitant le chanteur Jean-Pierre Réginal à faire ses premières parties, dans les années 80.
Jean-Pierre Réginal : à part. A forcément dépassé le Ghetto-Chanson, ghetto qu'ils fustigeait déjà vigoureusement dans un entretien accordé en 1991 à Je Chante. Un chanteur entier refusant d'être tiré par le bas. Il existe un ghetto-chanson, hélas. Miné par la médiocrité, la mesquinerie et les fausses congratulations. Nombreuses sont les personnes, parmi le public ou les artistes, à la déplorer. Ce ghetto, Jean-Pierre Réginal, à l'instar de Juliette ou Véronique Pestel, a su s'en affranchir tout en restant lui-même : avec son nouvel album Fragile Accalmie, il nous prouve l'immensité de son talent, talent à l'ancienne et pourtant ancré dans l'époque actuelle. Il est dommage de constater que la plupart des ouvrages consacrés à la Chanson Française ne mentionnent pas même son nom (y compris dans l'ouvrage La Chanson Française pour les Nuls, de Bertrand Dicale). Il est désespérant aussi de savoir que les journalistes des Inrocks ou Telerama n'en parleront pas en prétextant qu'il n 'y'a plus de place pour ce genre de Chanson.
Et pourtant. A côté de Miossec, Murat et autres déprimés débitant un pessimisme narcissique, glauque, crasseux, évoquant la puanteur d'un bar sordide ou d'une clairière parsemées de seringues vides, Jean-Pierre Réginal, ses décennies de carrière derrière lui, apporte du renouveau, de l'air frais.
Il suffit d'écouter Madame Alice.
Jean-Pierre Réginal est un chanteur. Donc il chante. Pour de vrai. Il ne murmure pas, ne minaude pas. Chante avec violence, mais pas de rage déplacée, chante avec tendresse, mais pas de mièvrerie. Sa voix et son piano sont aidés par le talent notable de l'accordéoniste Robert Restout. D'ailleurs, il est rassurant de voir que les lots de mauvaises nouvelles sur l'état de la Chanson n'aient pas dissuadé l'artiste de faire appel à de vrais musiciens (contrebasse, batterie, violon, alto, saxos, clarinettes, flûte, trombone, tuba) pour faire un vrai album, beau aussi bien dans la forme (superbe conception graphique, photographie de la couverture qui nous rappelle le regard de l'homme, bleu perçant) que dans le fond. De la grande chanson sous multiples influences, jazz, bossa, petite valse...
Osons rappeler que le chanteur a sa place parmi les Grands. Ses chansons devraient être interprétées (à ma connaissance, je ne connais pas d'artiste qui aient interprété ses chansons), ses textes longs et construits, ciselés devraient être étudiés. Peu connus et pourtant ayant un public, ils sont peu nombreux les artistes de cette trempe. Dans un autre genre, je songe à Marc Havet.
Le feu chanteur et homme de culture Jacques Douai a dit un jour : il faudrait être capable de chanter dès maintenant la chanson qui sera chantée dans 100 ans. C'est cela la vraie tradition.
Cora Vaucaire avait réussi. On peut compter également sur Jean-Pïerre Réginal.
Luc Melmont
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Ecouter Jean-Pierre Réginal :
www.jpreginal.com
www.myspace.com/jeanpierrereginal