La Chanson et l'Ultra-Droite : entretien avec Docteur Merlin
La Chanson et l'Ultra-Droite : entretien avec Docteur Merlin
Ceux et celles qui fréquentent régulièrement ce blog en apprécient, me
disent-ils, la liberté de ton et l'absence de consensus à tout prix.
Sans regret, j'affirmes ne pas être subjugué par Leny Escudero, je place
Bécaud au niveau de Brel, je rêve d'une meilleure reconnaissance de
Mireille Mathieu dans le panthéon français.
Un de mes regrets
est de ne pouvoir interviewer Colette Magny, icône inoubliable
d'extrême-gauche, une grande dame qui imposait ses idées et qui
détestait biaiser. Ses chansons font partie du paysage. Sa radicalité
agaçait. Mais de façon générale, le milieu de la Chanson a toujours été
plus indulgent avec les chanteurs d'extrême-gauche que
d'extrême-droite.
S'entretenir avec Docteur Merlin, chanteur
reconnu officiant sur les marges de l'ultra-droite française depuis des
années, c'est aussi reconnaître l'existence d'un public qui est là,
qu'il ne faudrait pas nier. Dans un monde idéal, les extrêmes ne
devraient pas exister. Mais il s'agit ici de redonner sa place à un
artiste dont le répertoire est bancal mais riche. Il y a du mauvais,
il y a des perles aussi. Si la presse spécialisée Chanson n'en parle
pas, tant pis. Mais attention au danger de l'Hypocrisie : pourquoi
condamner un artiste pour les idées qu'il véhicule quand on ne balaye
pas devant sa porte ? La bonne conscience vaut-elle mieux que le rejet
assumé sans détours de l'Autre ? Débat complexe...
Je
ne reviendrais pas sur la qualité réelle de nombreuses chansons de
Docteur Merlin. Il draine un public, pas forcément d'extrême-droite. Je
ne suis pas moralisateur mais j'insiste sur le fait suivant, car il faut remettre
les pendules à l'heure : l'extrême-droite française prétend combattre
pour la France et s'approprie sans vergogne certains symboles
nationaux. Elle est dans les fait un symbole même de l'anti-France,
nation multiséculaire qui ne saurait être le pré-carré d'une grosse
minorité de gens.Un citoyen encarté au PS ou à l'UMP n'est pas moins
français que ceux qui défilent au Front National ou au MNR (ou dans toutes ces différentes mouvances radicales et obscures). En ce sens,
je ne fais que rejoindre les propos de la philosophe Hannah
Arendt ou Enzo Traverso: non l'extrême-droite ne saurait être le vrai visage, le visage
authentique de l'Europe.
1- Bonjour Docteur Merlin, merci de nous accorder cet entretien. Un mot sur la mort de Mickael Jackson ?
Pour paraphraser Cioran, qui prétendait que Dieu doit beaucoup à Bach, on pourrait dire qu'Obama doit beaucoup à M Jackson!
2- Comment vous qualifier ? Chanteur d'extrême-droite ? Ultra-droite ?
Quand on n'est ni de gauche, ni libéral, on est vite
étiquetté "d'extrème droite" ( alors que dans cette galaxie, il y a
autant de sensibilités différentes, ou de chapelles si vous préférez,
que dans tout le reste de l'échiquier politique)disons que je me sens attiré par les travaux de la "nouvelle droite".
3- Comment voyez-vous votre place dans la Chanson ? Parlez-nous du
regard des autres, de vos pairs, des médias, la presse chanson...
Mon souhait, en écrivant mes premières chansons,était
de créer un patrimoine à ceux qui partagent cette sensibilité, leur
donner des mots de passe, être un ciment pour souder leurs amitiés,leur
raconter des histoires, leur histoire.de fait je
n'ai donc rien de commun avec mes "pairs".Ce n'est ni mon métier, ni ma
vie, et à part quelques articles qui ne se préoccupaient que du
discours, personne ne s'est interessé à moi! Reconnaissons que je n'ai
pas fait grand chose pour!
4- Finalement, vous êtes peu nombreux à droite toutes : Meffret,
Gavino, vous. Je l'explique par le fait que les amateurs de musique
dans ce milieu sont plutôt des skins qui recherchent de la beuverie, de
la bagarre sur fond de musique pour casser les tympans, et vous, votre
avis ?
La musique Oï n'est à l'évidence pas ma tasse de
thé!!Mais les skins méritent au moins autant d'indulgence que les
jeunes et les délinquants des "cités". Paumés dans
une société qu'ils rejettent, et qui les rejette, ils ont sans doute le
tort de s'identifier, par défi, à la caricature qu'on fait d'eux!
Mais j'ai souvenir d'un concert au Quebec ou une centaine de skins, malgré force bières, sont venus s'asseoir autour de moi, bien sagement en rond, et ils connaissaient toutes mes chansons par coeur! certains sont devenus des amis très chers.
Cela étant dit, votre analyse n'est pas fausse, et même dans les grands rassemblements où j'ai pu me produire, mes ventes restaient confidentielles.
J'y vois plusieurs raisons:
ce milieu préfère les livres (plus sérieux!) et les divers courants ne sont pas très curieux des autres,ne m'ayant jamais entendu sur les ondes, je ne peux donc avoir le "statut" d'artiste reconnu,le show biz est tellement "politiquement correct qu'ils s'en sont détachés.
5- Pourquoi un album entier dédié à Brasillach ? Et pourquoi pas Céline ?
L'album "Brasillach" a été produit par les "ARB" (Les
amis de R Brasillach) cercle littéraire qui n'entend pas laisser
réduire cet écrivain à son étiquette de journaliste collaborateur, ni à
celle d'ailleurs du " poête assassiné"pour un
anniversaire de sa mort, nous avons pensé que donner un pendant à la
version mythique des poêmes de fresnes récités par P Fresnaye, pour
montrer que sa poésie est éternelle, donc actuelle,était un défi
excitant! J'aime bien le résultat, mais il n'a , évidemment , pas fait l'unanimité!les
ventes sont restées anecdotiques, et la fermeture de la SERP, qui
diffusait mes albums, a mis fin aux projets Celine, Morand, Gripari etc
6- La chanteuse Jil Caplan a récité des vers de Brasillach à la fin de
sa chanson Tard dans la nuit [La nuit était merveilleusement douce,
toujours embaumée par les arbres en fleur...] et Jann Halexander lui a
consacré une chanson. Avez- vous vous écho de leurs chansons ?
Jann Halexander m'a fait parvenir son album, (n.b de l'auteur de l'entretien : sur mon conseil, je l'admets) et j'ai trouvé sa démarche très sympathique. Avec Jil Caplan, ils ont sûrement découvert l'écrivain, le poête, et ont du ressentir la tristesse, ou le malaise, de ne pouvoir l'admirer, ou tout simplement l'aimer, sans se sentir un peu coupable, sans braver les interdits. La France est un pays de liberté, mais de liberté surveillée.. .dis-je dans une de mes chansons. Force est de constater que nous vivons tous les jours à l'heure de la libération! 65 ans aprés!C'est de la schyzophrénie!
Guy Mocquet résistant par ci, loi Gayssot par là,émission quasi quotidienne à la télé, mémoire obligatoire à l'école et j'en passe. L'Italie,malgré un passé plus lourd,a désormais une vision plus historique de ces époques et multiplie débats, colloques thèses, sans poser de problèmes. C'est un voeu pieux que d'espérer nous en inspirer, notre microcosme français est Orwellien.
7- Ce que je ne comprends pas : pourquoi cet écart entre la médiocrité consternante, par exemple de chanson comme Y a bon la sécu et la qualité indéniable de l'album Brasillach ? Ne pensez-vous pas qu'une chanson comme Y a bon la sécu ne fait rire que les aigris et les démagos ?
"médiocrité consternante" est un peu blessant!, j'aurai préféré "facilité paresseuse". Cette pochade, écrite sur le coin d'une table, a le mérite de tourner assez bien. Le côté " bon enfant" rejette d'ailleurs les responsabilités sur le système, qui, au nom du seul profit de quelques uns, déracine des populations entières.Je pense même que cette chanson désamorce les discours primaires et xénophobes que je désapprouve et pour manier le paradoxe jusqu'au bout, n'oublions pas que les indiens d'Amérique n'étaient pas non plus xénophobes, ils ont pourtant été exterminés!
8- Une carrière la la Michel Sardou, cela ne vous faisait pas envie ?
Franchement non! sans parler même du talent, je ne fais que poursuivre mon petit bonhomme de chemin,en réalisant petit à petit le but que je m'étais fixé! J'y trouve toujours autant de plaisir, et j'admets que ma modestie naturelle souffre quand quelqu'un d'ailleurs s'interesse à mon oeuvre!!
9- Où chantez-vous ? Et depuis combien de temps ?
Depuis 25 ans, je me produit un peu partout en europe,et au quebec, dans les milieux dits " identitaires",mon cachet se résumant à quelques bonnes bouteilles, j'ai surtout fait moisson d'amicales rencontres.
10- Quelles sont vos sources d'inspirations quand vous écrivez ?
Exprimer une sensibilité païenne( c'est à dire en dehors du dualisme totalitaire des religions révélées), montrer du doigt et railler les oppressions du politiquement correct,dénoncer l'emprise du monde marchand,de l'usure, de la croissance, du système à tuer les peuples!
11- Avez-vous des projets (artistique, s'entend) ?
Enregistrer un dernier disque, en espérant un réussite musicale égale à celle du "Brasillach" pour que mes "fans "reconnaissent de temps en temps que les "meilleures" ne sont pas forcément les plus anciennes!
12- Quels sont vos artistes de prédilection ?
Brel, Brassens,Vian,Auffray, F Leclerc, G Allwright, F Mey,L Lemay,Fugain, Le Forestier, Sanséverino, J clec , pas très original tout ça.
14- (pas de 13 par superstition) Un mot sur la bonne cuisine : votre plat préféré ?
Les cromesquis de Menaud à St-Père-sous-Vézelay, et
peut être un sandre sauvage au beurre blanc, servi avec un hermitage de
même couleur
15- La Chanson que vous auriez aimé écrire ?
Sans hésitation Bozo de Félix Leclerc.
Entretien réalisé par Luc Melmont