Les mots de Réginal : Interview par Luc Melmont
Interview du chanteur Jean-Pierre Réginal (Madame Alice, les Mots s'en vont)
1- Comme tant d'artistes, on ne vous voit pas à la télé, à la
radio, très peu sur internet, alors comment faites vous pour exister ?
On ne me voit pas à la télé...On ne me
voit plus, car j'ai connu un début de carrière très médiatisé,
avec cette sensation confortable de faire partie pleinement du métier,
cette sensation d'exister, avec un calendrier rempli de dates et le
public au rendez vous. Puis survint un changement d'époque : la fin des
cabarets, des maisons de disques maternantes et constructrices de
carrières à long terme, d'où le début
des auto
produits. Je me suis donc, comme les copains, adapté. Car pour
"exister", (est-ce la musculation de l'ancien prof de gym ?...) j'ai
gardé l'énergie et l'envie d'être bien dans mes baskets, dans cette
frontière floue que je connais bien, entre vie personnelle et vie
artistique.
2- Etre artiste est un choix de vie, comme on entre en religion. Comment le vivez-vous (psychologiquement, matériellement)?
Chanter, c'est à dire aller à la
rencontre des autres sur une scène, est un choix amoureux, passionnel,
une forme de sexualité peut-être aussi, (contradictoire avec l'entrée
en religion, à moins que...) donc psychologiquement, je vis ma vie
comme nous tous, avec toute la panoplie des questions, des angoisses,
des petits bonheurs qui tombent. Quant à la précarité de l'emploi
artiste ou pas, tout le monde la craint aujourd'hui,
sauf que nous, nous la pratiquons depuis toujours et qu'elle ne
m'inquiète plus vraiment, car je sais que la mise au travail déclenche
toujours des évènements professionnels rémunérés. Ma satisfaction (pas
auto...) me vient du sentiment de maîtriser après tant d'années mon
métier, ce vrai métier de chanteur, de chansonnier, d'amuseur... ce
que vous voulez...c'est à dire la capacité d'ouvrir des fenêtres sur la
vie des gens pour aérer le rude quotidien de chacun, avec pour moi le
salaire suprême
des applaudissements (mais insuffisant, car j'ai bon appétit, j'aime la
table et le vin !!! voir dernière question...) Et mon agent artistique
m'aide beaucoup dans la continuelle pêche aux contrats pour assurer le
quotidien.
3-
Tant d'années à chanter dans la noble tradition de l'artisan chanteur,
n'est-ce pas long ? Et avez vous ressenti de la lassitude ?
4-
Diablerie est une des chansons les plus marquantes de votre album En
Concert. Un esprit cabaret qui tranche résolument le reste de l'album,
d'où vous est venue l'inspiration ?
5- Madame Alice est une
sorte de jolie "réponse"masculine au Baromètre féminin d'Anne
Sylvestre, comment réagit le public ? Est-ce difficile de manier
l'humour pour vous ?
"Madame Alice" plait aussi beaucoup aux
enfants. C'est souvent de cet album la chanson qu'ils réécoutent et
apprennent et c'est pour moi une belle récompense et un raccourci entre
générations. Le fameux langage qui manque entre parents, profs et
enfants. L'humour qui est pour moi une grande tentation (mais tout le
monde n'est pas Sacha Guitry) me semble le vrai remède contre
l'angoisse et n'a pas les effets pervers du tranxène. C' est bien sûr,
difficile ... Des années lumiéres entre Untel et Devos...Mais que c'est
bon de rire, de se tirebouchonner, de se fendre la poire, en bonne
compagnie.
6- Vous chantez souvent au Danemark, en Allemagne, pourquoi ces pays ? Tournez vous beaucoup en France ?
7- Quels sont les artistes que vous aimez ? Et en dehors de la chanson, vos passions ?
Dans les lieux où je chante se retrouvent tous ceux qui comme moi ont l'exigence d'un piano (si possible accordé !!!). Ce sont toujours des établissements d'une grande convivialité, et des relations qui deviennent amicales et fidèles. J' y retrouve placardés aux murs les affiches de ceux que j'aime, tels Bernard Joyet ou Francesca Solleville. Romain Didier, superbe pianiste, François Corbier, Mouron, Vincent Absil, Claude Astier, Anne Sylvestre et l'ombre du regretté Bernard Haillant...Ces noms dans le désordre ... tant d'autres feraient une liste, un peu comme la programmation du "Forum Léo Ferre" d'Ivry.
8- Quel regard portez vous sur le monde de la chanson, la "crise", ce qui se passe actuellement ?
Je suis souvent agacé par les sous produits
télévisés qui ressemblent depuis toujours à l'Eurovision, car ma vision
euro n'est pas vraiment la même... mais
j'essaye de suivre mon petit bonhomme de chemin en regardant ailleurs
pour voir si j'y suis. Sur le bord des chemins, les violettes font de
la résistance...La crise passera, comme l'adolescence et le seul choix
est de faire confiance à tous les fous lumineux, les nouveaux jeunes,
les jeunes
vieux, désespèrément jeunes, à ma fille Romane, qui me fait l'honneur
de chanter aussi, ce qui répond un peu à l'autre question, demain... Le
seul frein à demain pourrait être pour moi un problème de santé
9- Allez, une petite question qui se veut déroutante, c'est aussi la fonction du blog. Cuisinez-vous ? Votre plat préféré ?
Bon appétit...